La finance en route vers le numérique…

Ce qu’il faut retenir

Prise sur le fondement de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l’ordonnance du 4 octobre 2017 prévoit la pleine utilisation et l’encadrement de l’utilisation des systèmes informatiques dans le milieu financier :

  • Assurance : assurance-vie, assurance de dommages, assurance emprunteur, assurance de groupe.
  • Crédit : prêt à la consommation, crédit immobilier.
  • Banque : opération de banque (notamment concernant les comptes de dépôt), service de paiement, monnaie électronique (cartes prépayées, portes monnaies électroniques, etc.).

Cet encadrement vise à garantir un niveau de protection au moins équivalent aux supports papiers au travers de quelques principes :

  • Définir le support durable : un support qui permet de stocker et conserver des informations pendant une durée adaptée et reproduire à l’identique des informations conservées.
  • Le renforcement des droits du consommateur à l’information.
  • La possibilité pour le client de s’opposer à l’utilisation d’un support autre que le support papier.
  • L’accès et la conservation des informations et documents précontractuels et contractuels dans l’espace personnel sécurisé du client pendant au moins 5 ans après la fin de la relation contractuelle.
  • L’utilisation à l’identique des lettres recommandées avec accusé de réception et du recommandé électronique (notamment pour l’exercice de la faculté de résiliation annuelle des contrats d’assurance).
  • L’usage des signatures électroniques tel que prévues par l’article 1367 du Code civil (à condition d’utiliser des procédés fiables d’identification).

Attention :
Notons que le consentement du client n’est pas requis a priori, cependant, le professionnel doit vérifier au préalable que ce mode de communication est adapté à la situation du client. Le client peut s’opposer à l’utilisation de ce support, et préférer le support papier, dès le début ou au cours de la relation (sauf lorsqu’il est indiqué dans le contrat que le service fourni est de nature exclusivement électronique). Le professionnel doit s’assurer que le mode de communication est adapté à la situation du client et que ce dernier soit en mesure de prendre connaissance des informations. En pratique, le client doit disposer des outils technologiques nécessaires (accès internet, ordinateurs, tablettes, etc.) et être en capacité de s’en servir (notamment pour les personnes âgées) et le professionnel doit vérifier l’adresse électronique fournie par le client. Ces éléments doivent également être vérifiés annuellement par le professionnel.

Ordonnance du 4 octobre 2017, n°2017-1433

Loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, n° 2016-1321 – article 104

Conséquences pratiques

L’ensemble de ces dispositions entre en vigueur à compter du 1er avril 2018.

Pour les contrats en cours, il est possible de passer d’un support d’information papier à un support dématérialisé à condition que le professionnel :

  • S’assure que ce mode de communication est adapté à la situation du client.
  • Informe le client de manière claire, précise et compréhensible, de la poursuite de la relation commerciale sur un support durable autre que le papier et de la possibilité pour le client de s’y opposer par tout moyen.

Remarque :
Pour les entités placées sous le contrôle de l’AMF, les modalités de remise des informations et documents par voie dématérialisée ainsi que l’utilisation de la signature électronique seront déterminées par le règlement de l’AMF.

Pour aller plus loin

Contexte

La loi pour une République numérique intervient sur un certain nombre de sujet en matière civile (notamment les nouvelles obligations d’information des plateformes en ligne type Airbnb) mais également en matière financière.

Si, en substance, elle acte l’utilisation de système numérique, sa résonance est bien plus grande : signature électronique d’un contrat d’assurance-vie, résiliation d’un contrat d’assurance par recommandé électronique, envoi des conditions générales et tarifaires par voie électronique, etc.

Remarque :
On notera également l’adoption de l’ordonnance du 4 octobre 2017, n°2017-1426 permettant de représenter et transmettre les titres financiers sur la blockchain en lieu et place de l’inscription en compte titre traditionnelle (en attente de parution du décret d’application).

La démocratisation du support durable

  1. Champ d’application : assurances, opérations de crédits et de banque

    Le transfert et la conservation des informations par la voie du numérique a vocation à s’appliquer à un grand nombre de domaines.

    L’ensemble des assurances-vie souscrites auprès de compagnies d’assurance, de mutuelles ou d’institutions de prévoyance, assurances de dommages et assurances-emprunteurs seront concernées (articles 1 à 11 ; 23 à 26 de l’ordonnance).

    Les crédits immobiliers, crédits à la consommation, crédits renouvelables et découverts bancaires, location-vente ou location assortie d’une promesse de vente portant sur des biens immobiliers (à l’exception des contrats conclus à distance, au démarchage ainsi qu’à la fourniture à distance de services financiers) sont également concernés (articles 12 à 14 de l’ordonnance).

    Les opérations de banque (ouverture d’un compte de dépôt, etc.), de service de paiement et de monnaie électronique (cartes prépayées, porte-monnaie électroniques, etc.) utilisées par les personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles sont également concernées (articles 15 à 22 de l’ordonnance).

  2. Définition du support durable

    L’ordonnance intègre une définition commune du support durable dans le Code des assurances, le Code de la mutualité, le Code de la sécurité sociale, le Code de la consommation et le Code monétaire et financier.

    Au terme de cette ordonnance, le support durable est un instrument qui offre la possibilité aux parties de :

    • Stocker des informations.
    • Conserver ces informations pour une durée adaptée aux fins auxquelles elles sont destinées.
    • Reproduire à l’identique les informations conservées.

    Exemple :
    En matière de crédit, l’offre de prêt, la fiche d’information standardisée européenne, le contrat de crédit, l’information annuelle du capital restant dû, etc. peuvent être adressés par voie dématérialisée. Dans le domaine bancaire, l’intégration du support durable autre que le support papier a déjà été entérinée par l’ordonnance du 14 mars 2016. L’ordonnance du 4 octobre 2017 se contente en grande partie d’harmoniser la terminologie dans le cadre de la relation précontractuelle (envoi des conditions générales et tarifaires) et contractuelle (information annuelle concernant les frais perçus par les prestataires de services, etc.). Les modalités de remise des informations et documents par voie dématérialisée ainsi que l’utilisation de la signature électronique seront déterminées par le règlement de l’AMF.

  3. Vérifications préalables et annuelles

    C’est le professionnel qui prend l’initiative d’utiliser un support autre que le support papier.

    L’accord préalable du client n’est pas nécessaire mais, avant de recourir à ce nouveau support, le professionnel doit réaliser des vérifications préalables.

    Le professionnel doit s’assurer que le mode de communication est adapté à la situation du client et que ce dernier est en mesure de prendre connaissance des informations. En pratique, le client doit disposer des outils technologiques nécessaires (accès internet, ordinateurs, tablettes, etc.) et être en capacité de s’en servir (notamment pour les personnes âgées).

    En matière d’assurance, mutuelle et prévoyance, le professionnel doit également vérifier l’adresse électronique fournie par le client.

    Ces éléments doivent également être vérifiés annuellement par le professionnel.

  4. Droit à l’information

    Suite à ces vérifications sur la capacité du client à échanger par voie dématérialisée, le professionnel doit informer clairement le client, de manière précise et compréhensible, que les échanges, informations et documents se feront désormais par voie dématérialisée.

  5. Droit d’opposition

    Le professionnel informe également le client de sa faculté de s’opposer à l’utilisation d’un support autre que le support papier. Cette opposition peut être faite dès le début de la relation contractuelle ou à tout moment au cours de la relation contractuelle et sans frais : en cours de contrat, le client a donc un droit de repentir.

    Le professionnel doit être en mesure de justifier que cette information a bien été portée à la connaissance du client.

    Attention :
    Ce droit d’opposition n’est pas ouvert au client lorsqu’il s’avère incompatible avec la nature du contrat ou du service fourni ou lorsque le contrat indique que le service fourni est de nature exclusivement électronique.

  6. Exception à l’utilisation du support durable

    Dans certains cas, le principe n’est plus l’utilisation autorisée du support durable autre que le papier (sauf opposition du client) mais au contraire le maintien du support papier :

    • en cas de démarchage, la communication au client des informations utiles pour prendre sa décision ainsi que la remise du contrat sur un support autre que papier requièrent le consentement préalable du client,
    • en matière de droit au compte, le support papier reste impératif pour informer les clients des motifs du refus d’ouverture de compte, pour établir la convention de gestion du compte ouvert suite à désignation d’un établissement bancaire par la Banque de France (sauf demande expresse du client pour utiliser un autre support durable) ainsi que pour résilier ledit compte ainsi ouvert.

La conservation des informations et documents sur l’espace personnel sécurisé

L’ordonnance encadre également le développement des espaces client internet (en matière d’assurance, de services bancaires et financiers et de crédit).

Lorsqu’un professionnel met à disposition des informations et documents sur un espace personnel sécurisé sur internet, ces informations doivent être conservées et accessibles au client pendant une durée adaptée à leur finalité. Pour les documents précontractuels et contractuels, cette durée ne peut être inférieure à 5 ans après la fin de la relation contractuelle.

Si le professionnel souhaite retirer ces informations et documents, il doit en informer le client au moins 2 mois au préalable.

Le recommandé électronique et la signature électronique

Dans les relations contractuelles avec les assureurs, les mutuelles ou les institutions de prévoyance, la signature manuscrite peut être remplacée par une signature électronique qui utilise un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte.

​Dans ces mêmes relations, l’utilisation du recommandé électronique est consacré pour l’exercice du droit de renonciation, de résiliation de la mutuelle ou de l’assurance emprunteur (que ce soit durant la première année ou le droit annuel) ou encore pour déclarer à l’assureur le vol, la perte ou la destruction de la chose.

Remarque :
Pour être valables et remplacer la signature ou l’envoi manuscrit, ces procédés électroniques doivent être conformes aux dispositions du règlement européen n° 910/2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur, notamment assurer l’identité du signataire ou du destinataire, ou encore l’intégrité de l’acte.

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