Un prêt peut matérialiser une véritable donation…

Ce qu’il faut retenir

L’administration fiscale peut requalifier un prêt familial en donation indirecte. Elle peut alors taxer l’opération aux droits de mutation à titre gratuit chez l’emprunteur, et la dette n’est plus déductible de l’IFI de ce dernier.

Pour requalifier l’opération, elle peut s’appuyer sur un faisceau d’indices, notamment l’âge avancé du prêteur rendant improbable un remboursement de son vivant ou encore l’absence de paiement des intérêts prévus.

Cass.com, 7 mars 2018 n°16-26.689

Conséquences pratiques

Les prêts portant sur une somme supérieure à 1500 € (montant fixé par décret du 20 août 2004) doivent faire l’objet d’un écrit (sous seing privé ou acte notarié). Cet écrit devra notamment indiquer le taux d’intérêt (qui peut être nul), les modalités de remboursement et le terme du prêt. Il faut en respecter les termes.

A défaut, le risque de requalification existe avec pour corollaire le rapport du bien acquis avec les capitaux « prêtés » à la succession du préteur.

Aussi, les modalités de remboursements fixées doivent être compatibles avec un prêt réel. La durée ne doit pas être excessive, compte tenu de l’âge du préteur. Cette durée doit être précise (quitte à faire un avenant au terme). Les formules floues telles « il me remboursera quand il le pourra » sont à proscrire et les échéances prévues doivent être respectées.

Pour aller plus loin

Contexte

Un prêt est un contrat par lequel une personne remet à une autre, à titre précaire, provisoire, un objet, du matériel ou des matériaux, des marchandises ou une somme d’argent, à charge de restitution au terme que les parties conviennent librement entre elles.

Si un prêt peut valablement être consenti à un membre de la famille, l’administration fiscale est toutefois vigilante à l’égard de ces prêts familiaux.

Lorsque les circonstances rendent un remboursement peu plausible, le risque d’une requalification existe.

Les conséquences de la requalification sont de plusieurs ordres et notamment :

  • L’administration fiscale pourra soumettre les sommes « prêtées » aux droits de donation.
  • Lorsque le débiteur, c’était le cas en l’espèce, a porté les sommes au passif de son ISF, la requalification autorisera l’administration fiscale à rejeter le passif déductible (conséquence moins pénalisante depuis la mise en place de l’IFI).
  • l’article 843 du code civil fait obligation aux héritiers de rapporter les donations faites sans dispense de rapport, y compris une donation indirecte qui est par définition « non partage ». Elle est donc rapportable à la succession du prêteur en fonction du profit subsistant pour le donataire.

Cass.civ.1, 21 octobre 2015 n°14-24.926

Faits et procédure

Une grand-mère a consenti un prêt à son petit-fils, remboursable en une fois. Des intérêts avaient été stipulés.

Quelques mois avant l’échéance prévue, le prêt a été prorogé pour une durée maximale de 10 ans. Au terme ainsi prorogé, la créancière aurait atteint l’âge de 99 ans.

Le petit-fils ayant inscrit sa dette au passif de son ISF, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification.

L’administration fiscale soutenait que le prêt constituait en fait une donation indirecte et que le débiteur ne pouvait donc inscrire la dette au passif de son ISF.

Après le rejet de sa réclamation contentieuse, le petit-fils a saisi le TGI. Débouté en première instance et en appel, il s’est pourvu en cassation.

L’arrêt

La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la qualification de donation indirecte après avoir relevé :

  • Le lien de parenté existant entre le débiteur et le créancier.
  • Le fait que le créancier devait atteindre l’âge de 99 ans au terme de la convention.
  • Qu’aucun remboursement n’était intervenu le 1er décembre 2006, comme le prévoyait le contrat initial, et que si celui-ci avait été prorogé de dix ans, M. X… avait conservé, plus de 7 années après son versement, l’intégralité de la somme initialement prêtée.
  • Qu’aucun remboursement ni paiement d’intérêt n’était intervenu.

Analyse

Pris isolément, l’âge du créancier, la conclusion d’un avenant pour reporter la date du remboursement… ne sont pas suffisants pour entraîner une requalification.

Cependant, leur accumulation au sein d’une même opération constitue un faisceau d’indices sur lequel l’administration fiscale et les juges peuvent s’appuyer pour requalifier une opération.

La Cour de cassation avait déjà rendu une décision similaire (Cass. com. du 8 fév. 2017, n°15-21366) en s’appuyant sur les éléments suivants :

  • absence de terme,
  • absence intérêts,
  • suspension du remboursement pendant une période définie,
  • lien de parenté entre le débiteur et le prêteur,
  • âge du prêteur,
  • absence de remboursement,
  • succession des prêts.
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