JO Sénat – 07/07/2016.


En cas de moins-value suite à une mauvaise performance financière, le contrat de capitalisation doit être déclaré pour sa valeur nominale.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Les contrats de capitalisation doivent être déclarés :

  • pour les droits de succession et de donation à leur valeur nominale augmentée des intérêts échus non perçus et des intérêts courus (soit la valeur de rachat en cas de plus-value latente, la valeur nominale en cas de moins-value),
  • pour l’ISF à leur valeur nominale. On ne tient en principe pas compte ni des plus-values ni des moins-values. Cette valeur sera diminuée de rachats opérés sur le contrat seulement si ces derniers ont eu pour effet de rendre la valeur vénale inférieure au nominal.

Réponse ministérielle FRASSA JO Sénat 07 juillet 2016 n°17495

Cour d’appel de Paris du 25 novembre 2014

CONSÉQUENCES PRATIQUES

contrat-de-capitalisationOn pourrait envisager de procéder au rachat total des contrats en moins-values afin de souscrire de nouveaux contrats au nominal plus faible car réduit des pertes. Il y aurait en effet gain en termes d’assiette ISF (jusqu’à 1,5 % la perte par an, soit le taux marginal maximum de l’ISF). Néanmoins, les pertes constatées sur un contrat de capitalisation ou d’assurance-vie ne sont pas imputables sur des revenus ou d’autres contrats. La non utilisation des pertes aurait permis de faire échapper l’accroissement futur de la valeur du contrat jusqu’à l’apurement des pertes à l’imposition impôt sur le revenu et surtout prélèvements sociaux. Cette économie de prélèvements sociaux (15,5 %) et d’impôt sur le revenu (de 0 à 35 %) s’avère être trop importante pour systématiquement mettre en œuvre une stratégie de rachat total suivi d’une nouvelle souscription.

Le fait de détenir le contrat de capitalisation via une société, permet d’échapper à la règle de l’imposition au nominal car le redevable n’est plus titulaire du contrat de capitalisation, il est désormais titulaire de parts sociales devant être évaluées selon leur valeur vénale. Cette valeur vénale est déterminée en retenant la valeur de rachat du contrat et éventuellement des autres actifs et passifs de la société, et pourra être réduite suite à l’application de certaines décotes (pour illiquidité notamment, de 10 à 20 %). Si cette situation s’avère alors favorable en cas de pertes, elle ne permet pas de bénéficier de l’imposition ISF au nominal du contrat de capitalisation dont la valeur de rachat a fortement progressé. En revanche, cette détention via une société serait toujours favorable au regard des droits de succession et de donation, permettant de tenir compte des moins-values latentes. Reste que la société civile non soumise à l’impôt sur les sociétés va devenir l’établissement payeur, ce qui exige de réaliser, sauf si l’assureur l’assure pour le compte de la société civile, les déclarations fiscales attachées en termes d’impôt sur le revenu (prélèvement forfaitaire libératoire) et de prélèvements sociaux via les formulaires n°2777 et n°2561.

POUR ALLER PLUS LOIN

Contexte

En matière d’évaluation de créances, on doit distinguer :

  • ples créances autres qu’à terme évaluées à la valeur vénale selon la déclaration estimative des parties (article 758 du CGI),
  • et les créances à terme pour le capital exprimé dans l’acte (valeur nominale).

Ces dispositions applicables aux droits de mutation à titre gratuit (donation et succession) le sont également en matière d’ISF par renvoi de l’article 885 S du CGI.

L’administration juge les contrats de capitalisation comme des créances à terme. Les contrats nominatifs (par opposition aux contrats anonymes non déclarables à l’ISF) sont donc selon l’administration fiscale taxables à l’ISF pour leur valeur nominale, c’est-à-dire pour le montant des primes versées net de frais, mais non augmentée des intérêts échus non perçus et des intérêts courus.
BOI-PAT-ISF-30-50-20 § 50Doc. adm. 7 S 352 § 6

Cette position est historiquement justifiée par l’administration par l’analogie de traitement avec les contrats anonymes.isf-notice En effet, les bons anonymes sont exonérés d’ISF et subissent un prélèvement égal à 2 % de leur nominal pour chaque 1er janvier entre leur souscription et leur remboursement. Afin que le traitement ISF des contrats nominatifs ne soit pas plus pénalisant, l’administration avait émis ce tempérament écartant la taxation des gains latents.

Néanmoins, la possible déclaration du contrat de capitalisation pour sa valeur vénale était parfois pratiquée lorsque la valeur vénale du contrat était inférieure à la valeur nominale. On peut relever dans la notice ISF (un document non opposable à l’administration au sens de l’article L.80 B du Livre des procédures fiscales) que le contribuable peut déclarer à l’ISF son contrat de capitalisation non pas pour sa valeur nominale mais pour sa valeur vénale au 1er janvier de l’année d’imposition : « Liquidités : Il s’agit des espèces, des comptes courants, livrets de caisse d’épargne, bons du Trésor et d’épargne, bons de caisse, bons de capitalisation et tous titres de même nature lorsqu’ils n’entrent pas dans le champ d’application du prélèvement de 1,5 % ou 2 % prévus aux articles 990 A à 990 C du CGI [bons anonymes] […]. Portez le solde ou la valeur au 1er janvier de l’année d’imposition. »

L’administration conteste la possibilité de déclarer à la valeur vénale et fait de la déclaration au nominal la seule règle applicable. Le tempérament réside seulement dans le fait que la valeur nominale à déclarer ne soit pas augmentée des intérêts échus non perçus et des intérêts courus ou que la moins-value soit le résultat d’un rachat.

Contentieux

Un redevable ISF avait déclaré à l’ISF des contrats de capitalisation en unités de compte au nom de ses enfants mineurs pour leur valeur nominale. Ces contrats avaient une durée de 30 ans renouvelable tacitement, et les rachats étaient libres. Or, suite à des moins-values les valeurs de rachat de ces contrats étaient devenus inférieures à leur nominal. Le redevable a alors réalisé une déclaration rectificative afin de mentionner les contrats pour une valeur inférieure à celle initialement portée. L’administration a refusé de revoir à la baisse la valeur des contrats. Pour elle le contrat de capitalisation est un contrat à terme dont la déclaration doit être réalisée à la valeur nominale selon l’application de l’article 760 du CGI. Le redevable considérait que la possibilité de rachat devait écarter cette règle au profit de la règle générale de déclaration selon la valeur vénale et estimative des parties.

Le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est prononcé dans une décision du 13 mars 2013. Il a énoncé que la valorisation est légalement établie selon l’article 760 du CGI mais qu’il s’agissait de la valeur de rachat du contrat au 1er janvier (la contrevaleur en euros du nombre d’unités de compte porté au contrat).

L’administration s’étant pourvue en appel, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée dans un arrêt du 25 novembre 2014. Elle a énoncé que le tribunal a exactement décidé que le contrat de capitalisation souscrit est un contrat à terme au sens de l’article 760 du CGI, et en application de l’article 1186 du code civil selon lequel une créance à terme est une créance insusceptible de recouvrement avant son terme effectif. Elle en conclut que « S’agissant de la valeur qui doit être portée sur la déclaration d’ISF, l’administration fiscale soutient avec raison que rien ne permet de déroger à la règle édictée par l’article 760 du code général des impôts dont il résulte que la déclaration de valeur doit être effectuée par le titulaire d’un contrat de capitalisation selon le montant des capitaux investis (valeur nominale) et non pas selon une valeur de rachat actualisée chaque année (c’est-à-dire à sa valeur vénale) ; que rien n’autorise le redevable à prendre en compte les moins-values latentes sur les unités de compte des contrats de capitalisation. »

Les juges considèrent ainsi implicitement que l’on ne peut pas tenir compte des moins-values au titre des termes « intérêts échus non perçus » et « intérêts courus ».

Réponse ministérielle Frassa du 07 juillet 2016

La question écrite faisait suite à l’intégration dans le BOFiP de la réponse ministérielle Deprez, ce qui laissait selon l’auteur la possibilité de déclarer à la valeur vénale.

L’administration douche ces espoirs à l’ISF dans sa réponse en date du 07 juillet 2016. Elle rappelle que « Conformément aux dispositions de l’article 760 du Code général des impôts, les créances à terme dues au défunt au moment de son décès doivent être incluses dans l’assiette des droits de succession. Elles sont imposables sur le capital exprimé dans l’acte et qui en fait l’objet. Cette règle d’évaluation s’applique aux bons ou contrats de capitalisation. Conformément aux dispositions de l’article 885 S du CGI, ces dispositions s’appliquent à la valorisation des bons ou contrats de capitalisation pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2014-436 QPC a rappelé que ces créances sont évaluées, pour le calcul de l’assiette des droits de mutation à titre gratuit et de l’ISF, à leur valeur nominale et non à leur valeur estimative. Ainsi, lorsque le bon ou le contrat de capitalisation présente une valeur de rachat inférieure à la valeur nominale, seule cette dernière pourra être retenue pour la valorisation de la créance à l’ISF au 1er janvier de l’année d’imposition. Toutefois, il est admis que lorsque la valeur du bon ou du contrat de capitalisation devient inférieure à la valeur nominale suite à une opération de rachat partiel, la créance est déclarée à l’actif de l’ISF au 1er janvier de l’année d’imposition pour sa valeur nominale diminuée à proportion de la fraction de la valeur de rachat du bon ou du contrat qui a fait l’objet d’un rachat partiel. »

L’administration énonce ainsi officiellement que la déclaration au nominal est la règle. Cette valeur sera diminuée de rachats opérés seulement si ces derniers ont eu pour effet de rendre la valeur vénale inférieure au nominal. Reste qu’en cas de rachat antérieur ou postérieur au passage du contrat en perte, pourra-t-on diminuer la valeur nominale ?

Quid des droits de succession et de donation ?

La jurisprudence, le Conseil constitutionnel et l’administration dans la réponse ministérielle Frassa s’appuient sur les dispositions de l’article 760 du CGI pour affirmer que le contrat de capitalisation doit être imposé selon sa valeur nominale. Or, cet article s’applique fondamentalement aux droits de succession et de donation, et par renvoi de l’article 885 S du CGI à l’ISF. Cela signifie-t-il que les contrats de capitalisation peuvent désormais être imposés selon la valeur nominale aux droits de succession et de donation en cas de plus-value latente ? Il n’en est rien.

En effet, la réponse ministérielle Deprez JOAN 21 oct. 2002, n°2020, intégrée dans le BOFiP depuis le 12 janvier 2014 énonce que la valeur retenue à l’ISF est la valeur nominale à l’exclusion des intérêts courus ou non encaissés au 1er janvier de l’année d’imposition : « S’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune, il est effectivement admis que les bons du Trésor, les bons de capitalisation et les titres assimilés, lorsqu’ils ne sont pas anonymes, soient déclarés pour leur seule valeur nominale, à l’exclusion des intérêts courus ou non encaissés au 1er janvier de l’année d’imposition. La justification de cette mesure de tempérament […] » En revanche, l’administration énonce qu’en matière de droits de succession on doit ajouter à la valeur nominale les intérêts échus non payés et les intérêts courus (BOI-ENR-DMTG-10-40-10-40 § 60). Ceci signifie que l’on doit tenir compte des gains latents du contrat, ce qui aboutit à la valeur vénale en ce cas. Notre position quant à la déclaration des contrats de capitalisation aux droits de succession n’est ainsi pas modifiée.

Mais en cas de moins-values, peut-on prendre en compte les moins-values latentes ? On ne devrait pas notamment à la lecture de la décision de la Cour d’appel de Paris du 25 novembre 2014.

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